Mon histoire … Eh bien, je suis encore au début de celle-ci après tout, du haut de mes 20ans. Je suis encore un jeune homme, qui tente de se retrouver une stabilité plus ou moins solide. Plus ou moins …
Je suis né en l’an 30, ma mère était l’une des femmes les plus douces qui pouvait exister. Membres de la grande famille Tenshi. Elle en était une digne représentante, une belle femme aux longs cheveux blancs, parsemé de plume et aux bras couvert d’un plumage immaculé des plus doux. Elle était magnifique, belle, gentille et terriblement gentille. Elle était tout pour moi. Elle était ma mère … Elle s’appellait Hakuko Tenshi
- Extrait du journal de Hakuko Tenshi, an 30. :
Yuuta est venu au monde y à peine quelques jours et déjà, je l’aime plus que tout. Ma famille voulait que je l’abandonne mais à la seconde ou j’ai vu son regard, où je l’ai tenu dans mes bras, j’ai su que jamais, je ne pourrais faire cela. Même si cela n’augurait pas un avenir toujours radieux, je garderais mon petit garçon auprès de moi.
[…]
Pour réussir à calmer un peu la fureur de ma famille, j’ai prétendu que le père biologique de l’enfant était mort. J’ai joué la carte du deuil pour ne pas avoir à en dire trop. Je sais que cela sera dur mais il en vaut la peine, ce petit être si doux. Aido aurait été fier de pouvoir l’élever pleinement, j’en suis sûr, si effectivement cela avait pu être possible.
Nous y arriverons, je le sais, peut être que nous ne serons ni riches, ni influents, mais nous serons heureux.
Tant à mon père … il était tout le contraire. Tout noir, un corbeau dont j’avais pris le lignage. Il me disait de l’appeler Jirõ. Je ne me souvenais pas de son nom, ou je crois que je ne l’ai jamais su en fait. Il n’habitait pas avec nous, il venait parfois, juste une journée et partait à la tombée de la nuit. Il n’était jamais là, le lendemain matin. Parfois, je tentais même de m’endormir dans ses bras pour espérer qu’il ne parte pas. J’étais heureux quand il était là, j’aimais ses moments, même s’il n’était jamais là le lendemain. Du moins, c’est ce dont je me souvenais, cela dura jusqu’à mes trois ans. A partir de ce moment-là, il vint moins souvent. Je me demandais parfois si j’avais fait une bêtise, si j’avais été méchant et que c’était à cause de cela qu’il venait moins. Même s’il faisait presque peur en comparaison de la douce apparence de ma mère, j’étais toujours terriblement heureux de le voir, lui sautant dans les bras pour l’embrasser et voulais presque ne pas sortir de ses bras …
Mais l’histoire était étrange aussi autour de lui … ma mère m’avait dit de ne jamais parler de lui. Que si on me demandait ou était mon papa, je devais dire qu’il n’était plus de ce monde. Petit, je ne comprenais pas ce que cela voulait et plus grand, je n’ai pas posé plus de question au final, peut être que j’aurais dû … mais je ne posais pas de questions, et savourais juste d’être avec lui à chaque fois que c’était possible.
Nous étions assez isolés avec ma mère. Si au début, elle m’avait inscrit à l’école avec d’autres élèves, face aux brimades que je recevais, elle prit la décision de me faire étudier à la maison, avec un précepteur. Je ne sortais au final plus tant que cela, et à chaque fois, j’étais celui qu’on martyrisait, avec la candeur dont pouvait faire peur les enfants, même si les mots blessaient parfois plus qu’ils n’auraient dû. Mais jamais, je ne trahissais mon père, et jamais, je ne lui parlais de cela, de ses enfants. J’étais juste heureux de le voir quand il était là …
Ma mère aussi ne parlait jamais de ses problèmes, ni à moi ni à Jirõ. Pourtant, parfois, j’avais vu des gens lui crier dessus ou la gronder mais elle ne laissait rien paraître, jamais.
Cependant, j’avais 6 ans quand il ne revint pas. Je demandais à maman, mais elle-même ne savait pas. Au début, elle disait qu’il viendrait bientôt mais bientôt, elle ne pus plus me mentir. Elle ne savait pas. Elle était inquiète, mon petit esprit d’enfant le voyait. Mon père avait disparu et je ne comptais plus le nombre de fois où je l’attendais dans le jardin, espérant le voir arrivé, cette grande ombre noire aux grandes ailes.
Deux ans passèrent ainsi. Ma mère qui pendant un temps ne savait rien semblait pourtant rassurée. Je lui avais demandé s’il était vraiment mort mais elle m’avait dit que non, de ne jamais le penser. Il serait malade depuis tout ce temps, mais il viendrait bientôt me voir, elle me l’avait promis. Je devais continuer à mentir au monde mais elle me certifiait qu’il reviendrait, même si j’avais l’impression qu’elle en doutait, parfois …
Et un matin, je le vis, cette grande silhouette qui apparaissait dans le jardin. Encore en pyjama, pied nus, je me mis à courir vers lui. Mais la forme me sembla soudain cauchemardesque, et lorsqu’enfin je pus le voir en entier, je me mis à crier, tant la peur me prit et alla me réfugier contre ma mère. De la journée, je n’arrivais pas à me décoller d’elle. Je n’arrivais pas à reconnaître mon père. Il n’était plus le mien, si froid, si cassé … ses ailes étaient brisées à plusieurs endroits. Il avait l’air … je savais pas mais j’arrivais pas à l’approcher, restant littéralement accroché aux vêtements de ma mère qui tentait de me calmer. J’avais les larmes aux yeux la moitié du temps … J’arrivais pas … j’arrivais pas à reconnaître mon père. Il me faisait penser à un monstre …
Il me fallut le revoir une ou deux fois avant de me sentir presque à l’aise à ses côtés. Et Mère était toujours à mes côtés. Je réussissais à être avec lui, mais il n’était plus le même. Je le sentais, petit à petit, les années passant, c’était de la colère et de la haine que je ressentais derrière un masque froid qu’il tentait de ne pas avoir en ma présence. Non, mon père était mort lors de ses deux ans ou je n’avais eu de nouvelle et celui qui était venait me voir était un fantôme de celui-ci …
Mais je grandissais et tendais de trouver ma voie. Cela était compliqué. Ces brimades que j’avais subies dans ma jeunesse se firent plus subtiles plus tard. Des rumeurs ou des regards blessants. J’étais un bâtard. Mon père était censé être mort, mais j’étais malgré un enfant illégitime. Et mon père, je devais toujours taire son existence, à chaque fois qu’on parlait de lui, je tentais de passer vite à autre chose. Et je ne lui parlais pas de cela, même si ça me hantait.
Ma mère tout normalement me proposa de m’apprendre les arts de la médecine, étant elle-même doctoresse à l’hôpital de l’île. J’avouais que c’était plutôt par facilité et l’envie d’être avec elle que je pris tout d’abord son chemin, même si je me sentais un peu mal vu au début. J’étais un Tenshi, cela me semblait logique, et surtout vu mon don de soin, qui semblait me prédestiner encore plus à cette voie, malgré mon lignage qui ne semblait pas m’attirer les yeux doux des personnes qui m’entourait. Très jeune, je servais d’aide, de suppléant à l’hôpital, assistant ma mère dans des soins ou certains de ses collègues qui acceptait ma présence, du haut de mes humbles 16ans. Tout me fascinait. Les soins, les connaissances, les médicaments et les traitements. Pour cela, je tenais, malgré les regards et les murmures que je voyais. J’ai même aidé ma mère à donner naissance à une femme qui n’avait pas eu le temps de se rendre au temple d’Igaku. Ce moment fut magique, lorsque le bébé tout petit arriva dans mes bras, un court instant avant que ma mère ne le tendes à la mère.
J’y rencontrais notamment Sesshū, un ami de ma mère qui m’a pris sous son aile, littéralement. Il m’aidait à me faire accepter, tout comme il protégeait ma mère presque à chaque instant. Même s’il jouait le rôle presque d’un père de substitution, jamais en sa présence le nom de Jirõ. Parce que malgré tous ces secrets et le reste, je continuais à le protéger, pour que jamais il ne redisparaisse comme il l’avait fait dans mon enfance.
J’aimais ce milieu, j’avais appris à l’aimer, mais pourtant, plusieurs cas me choquèrent. Des personnes, entre la vie et la mort, qu’on nous ramenait en urgence. Des gens attaqués dans la rue, agressés, que les patrouilles nous amenaient. Je n’arrêtais pas de me dire qu’il leur faudrait des soigneurs, pour les aider … cette idée murissait dans mon esprit, un peu plus chaque jour. En plus d’être féru de connaissances et de pratiques de médecine, je pratiquais le bâton, ne voulant pas être une proie pour n’importe qui. Un esprit sain dans un corps sain … comme je pouvais en fait.
Mais alors que cette idée grandissait dans ma tête, une autre se frayait un chemin. Et si ce soigneur, c’était moi ? Je n’étais assistant que depuis deux ans et je commençais à envier les soldats que je voyais venir à l’hôpital. Parfois, je tentais d’en questionner un ou deux, leur demandant des détails. Je commençais à m’imaginer avec eux, et je me disais qu’ainsi, je pourrais peut être plus précieux encore et sauvé peut être des vies ainsi, celles que nous n’avions pas réussi à sauver. Si certaines personnes avaient été prises en charge plus tôt, limite au moment de leur découverte, on aurait pu faire quelques choses …
J’étais peut être idéaliste, malgré parfois des mauvais traitements, mais je voulais croire que je pouvais faire une différence. Un Tenshi qui prétendait avoir sa place à la caserne, je savais que ce serait dur, que je ne pourrais être accepté qu’à mérite mais je voulais le faire. Ma mère m’encourageait à prendre le chemin que je voulais, me proposant même d’engager un maitre d’arme pour entraîner mon corps, que je ne sois pas à la ramasse derrière les autres. Pendant un an, je ne me reposais qu’à peine. Je n’étais presque jamais à la maison, sauf les jours où mon père était là, je restais même si nos liens n’avaient rien à voir avec mon enfance, avec mes souvenirs. C’était plus comme un rituel. Je tentais de prendre de ses nouvelles mais il ne disait jamais grand-chose, de lui. Mais cette année-là, je ne tenais plus en place. Je n’en parlais pas trop, mais ce projet nourrissait mon esprit et toutes mes envies. J’avais envie de réussir, j’avais envie de rejoindre les rangs de la caserne et être là pour tous, et pouvoir aider au plus près les gens …
Et je rejoignis les rangs, non sans mal et sans bleus mais j’y entrais … pour mon plus grand plaisir et au grand désespoir de mon corps qui commençaient à comprendre plus encore le sens de la douleur, bien au-delà de l’utilisation de mon pouvoir. Les entraînements et les petits coups foireux entre compagnon de caserne me forgeaient le caractère. J’étais un peu réservé au début et je finissais par m’affirmer, tout en gardant un respect profond pour la hiérarchie.
Mère venait souvent prendre de mes nouvelles, vu que pendant l’entrainement initiale, je n’étais pas chez elle. Elle me disait qu’elle était fière de moi et de mes choix, que Jirõ le serait aussi, que je devenais un bel homme et qu’elle était de me savoir sur la voix que j’avais choisi … ma si douce mère …
Dès le début de l’automne, on m’avait affecté à plusieurs patrouilles, souvent de nuit d’ailleurs. Je faisais tout pour être le plus irréprochables possibles, mon bâton le long du corps alors que nous parcourions les ruelles sur divers trajets. Nous avions plusieurs fois eues droit à des agressions ou des flagrants délits d’actes illégaux mais souvent, nous avions pu agir à temps. Mais ce soir-là, nous étions arrivé trop tard pour lui, un grand homme aux immenses ailes blanches. Il était mort avant notre arrivé, nous n’avions pu que constater son décès mais cela m’avait fait une étrange impression … il ressemblait à ma mère et cela me donnait l’impression d’un mauvais présage …
Il n’était qu’un asservi alors son meurtre (car cela ne faisait aucun doute que c’en était un) ne fit que peu de bruit. Il aurait appartenu à un membre de la famille Kakon mais je n’en su pas plus. Ma mère elle, lorsque je lui en parlais, sembla touchée. Et je vis, les jours suivants, qu’elle en portait le deuil. Je n’eus pour explication qu’il était un membre éloigné de la famille, mais qu’elle l’avait connu, avant sa condition d’asservi. Elle était floue, vague et cela m’intriguait. Mais nous avions moins le temps de discuter. Alors, cela devait être sans cesse pour plus tard …
Jusqu’à Kage … je fis parti des gens qu’on expédia sur place presque aussitôt, pour tenter d’aider, de sauver tous ceux que nous pouvions, et sécuriser le périmètre. J’étais au côté des colosses de la casernes pour tenter de sauver ceux qu’ils sortaient de sous les décombres … nous étions à l’œuvre depuis un moment, je commençais même à être très fatigué à force d’apporter les premiers soins avec mon énergie quand soudain, l’un de mes collègues m’empêcha d’approcher d’un corps qu’ils venaient de sortir de sous une pile de débris terriblement lourde. Je ne compris pas, me débattant avant que mon ami n’arrive à me le dire … c’était elle … c’était Hakuko. Je me débattais, pour tenter de lui venir en aide. Elle avait des blessures mais elle ne semblait pas avoir eu de blessures fatales … je réussis à tomber à ses pieds, commençant à paniquer et à réfléchir, sans trop observer, comme sur le point d’être pris de folie ... Mes amis étaient figés, ne sachant s’ils devaient agir ou non pour tenter de m’arrêter. Moi, j’étais comme fou. Je n’arrivais pas à croire que je ne pouvais pas y arriver, je n’y arrivais pas. J’étais si proche de la folie, si en colère et désespéré à la fois que mon électricité se déversa dans mes mains, choquant le corps de ma mère … j’en fus si surpris que je me reculais … et manqua de frôler la crise cardiaque lorsqu’elle se réveilla, son cœur ayant été relancé par le choc électrique. Tous eurent la peur de leur vie, pensant que je l’avais ramené des morts … elle toussait, semblait souffrir le martyr. Elle eut pourtant un sourire à mon intention avant qu’un autre soigneur ne vienne à mes côtés. J’avais relancé son cœur … mais c’était trop tard. La moitié de sa cage thoracique étaient brisée, enfoncé dans son corps. Ses instants étaient comptés, malgré mon intervention Elle souffrait mais elle me tint la main jusqu’à son dernier souffle, gardant un sourire malgré la douleur, me disant avec difficulté quelques mots avant de fermer les yeux pour la dernière fois. Elle s’endormit au milieu des morts et on m’évacua, avant que je ne devienne fou, complètement terrassé par l’épuisement physique et mental que je venais de subir …
Elle était morte et on eut beau me dire que j’aurais rien pu faire, je me sentais coupable. Coupable de lui avoir fait si mal. Coupable de l’avoir arraché à la mort … j’étais honteux de ne pas avoir été là pour elle, de ne pas avoir pu la protéger. Elle était morte … et j’étais seul. Je n’avais jamais pu communiquer avec mon père, jamais en dehors de ses visites mais à cet instant, je ressentais presque de la haine envers lui. Il n’avait jamais été là, pour les moments importants, et il ne l’avait pas protégé. La culpabilité que je ressentais envers moi, je la projetais peut être un peu sur lui … peut être mais je ne réfléchissais pas à ça. Il n’avait pas été là, il n’avait jamais là, je n’arrivais pas à me rappeler les bons souvenirs, je ne me souvenais que des pleurs à son attente, et les nuits passé à espérer le voir, lui, le premier père que j’avais connu, celui qui me prenait dans ses bras et avait l’air d’un être ainoko normal, pas d’un monstre …
Mais maintenant, j’étais seul. La maison de ma mère est désormais la mienne et je n’ai pas quitté mon poste à la caserne. La famille Tenshi voulu profiter de occasion pour me retirer mon nom, n’étant plus qu’un bâtard orphelin à leur yeux mais Sesshū m’a protégé, comme il l’avait toujours fait, notamment auprès des autres membres de la famille. Pour l’instant, je suis tranquille mais je sais que cela peut changer, peut-être un jour. Pour l’instant, j’oublie un peu tout, tentant simplement de vivre, ou au moins survivre. Bien au contraire, je lutte et m’exerce chaque jour pour être plus fort, pour pouvoir être montré ma valeur. Je voulais toujours plus prouver ma valeur, c’était là un des moyens que j’avais pour ne pas sombrer, me jeter à corps perdu dans ce travail et l’entrainement. Cela est le seul équilibre que j’ai à présent, aussi instable et fragile qu’il soit.
Car avec le festival de Kage, mon pouvoir s’est emballé. Depuis des années, à chaque ‘‘abus’’ léger de mon pouvoir, les douleurs étaient parfois insupportables, et la faiblesse qui me gagnait parfois pendant des jours me rendaient fous. Alors depuis des années, en cas de besoin, il m’a permis de passer au travers des effets secondaires de mon pouvoir de soin, depuis Kage, je commence à en prendre souvent, plus souvent, presque trop. J’ai l’impression de devenir accro et cela me fait peur. Mais je ne peux être faible par mon métier. Je ne peux montrer comme mon pouvoir m’affecte, et je ne peux montrer que je ne suis pas à la hauteur. Alors, je cache, je mens, je souris et prends ce dont j’ai besoin … en espérant ne pas franchir une ligne qui pourrait être dangereuse.