« Tu sais, Zaki, un jour tu vas devoir sortir d’ici. Et ça sera ton unique chance de le faire. Ne rate pas cette occasion, je t’en prie. Pour nous. »
« D’accord mère. »
Ton enfance, tu t'en souviens parfaitement. C'était la partie la plus pure, la plus parfaite que tu aies connu. Tes parents, tes kimonos, ta découverte du monde. La découverte de ton corps, de sa souplesse, de ses capacités. Aussi loin que tu te souviennes tu produisais déjà cette substance collante mais à la bonne odeur qui te permettait de te faufiler un peu partout en hauteur.
Le Maître s'inquiétait toujours quand les nouveaux-venus ne mangeaient presque pas. Tu as toujours fait partie de cette catégorie qui ne mangeait presque jamais, et rien de vraiment consistant. Tes parents en étaient toujours fiers. "Un corps pur ne nécessite pas ces encombrements que sont la nourriture", ils disaient. Peut-être avaient-ils raison. Peut-être était-ce la raison de la découverte de ton don.
Tu purifiais des plantes brûlées, auparavant. Le Maître arrosait moins les plantes pour vous fournir toujours plus d'eau potable. La famille absorbait toujours plus d'eau pour fournir le mucus nécessaire à la quantité que le Maître désirait.
Tes parents te regardaient toujours avec des yeux tristes. Mais à cette époque tu ne les regardai pas, médusée par ce monde qui était, à l'époque, le tien.
Tu faisais des choses artistiques avec la nature que personne ne comprenait. Tu récupérais les plantes décédées, les insectes, les fleurs pour les montrer à tes parents avant d'en faire quelque chose d'abstrait. Tableaux sur les murs, herbiers mal rangés, ou alors tu cachais les insectes dans certains kimonos... Cela dura un bon moment. Quand tu as pu enfin voir un nouveau membre de ta famille, tu étais folle de joie, mais ton excitation n'était rien de comparable face à l'agitation de tes parents.
Il était jeune, un cousin apparemment, et ce qui te frappa le plus était sa souplesse. tu avait toujours vu tes parents se prélasser, mais jamais tu n'avais vu autant de torsion sur un corps. Tu imprimas immédiatement l'idée et vous vous amusiez à vous tordre dans tous les sens pendant quelques mois.
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« Mère, mère ! Je n'arrive plus à tordre mon corps comme avant... »
« Laisse moi voir Zaki. »
Dès ce moment, vous découvriez qu'une coquille grandissait avec toi, sur ton dos. Et elle gagnait rapidement du terrain. Bientôt tu pouvais même rentrer dedans. C'était ton nouvel endroit pour cacher des choses à tout le monde. Les collections de tout petits objets comme des bijoux faits de plantes ou les quelques présents qu'on lui faisait pour avoir été sage.
Avant d'atteindre 19 ans, quelques enfants choisis dans la famille avait apparemment le droit de vivre quelques mois avec le Maître. Tes parents te répétaient encore et encore de bien te tenir en sa présence, de toujours bien parler. Tu ne devais pas faire honte à tes parents, à ta famille.
C'est ainsi qu'elle se retrouva dans la demeure du Maître. Elle était étrangement vide, pour une maison qui devrait avoir plusieurs enfants simultanément dans l'année. Peut-être était-ce un mythe pour forcer les parents à bien éduquer leurs enfants. Tu ne t'y attardas pas et vécu les premières journées dans le silence avec le Maître.
Ne parle pas tant qu'il n'en t'as pas fait signe. La nuit tu entendais des bruits qui t'inquiétaient, mais tu fis taire tes interrogations pour dormir.
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« Tu sais, Osozaki. »
« Mmh ? »
« Toi et ta famille vous n'êtes pas spécialement libres. »
Il attendait un quelconque questionnement de ta part. Peut-être que tu ne comprenais pas où il venait en venir, étant donné que tu es restée silencieuse.
« Tu vois cette assiette ? »
« Mhm ? »
« Eh bien c'est ce que vous êtes aux yeux de notre famille. Vous êtes des assiettes qui nous apportent de quoi manger et bien plus. »
« Nous produisons du mucus, pas de la nourriture, Maître. »
« C'est cette notion qu'il vous manque. Votre mucus, à chacun d'entre vous, nous rapporte de l'argent et c'est cet argent qui nous fais tous vivre. »
« Oh, c'est donc pour ça que vous êtes capable de nous fournir autant d'eau. »
« Exactement. »
Le silence dominait la pièce après cette affirmation. Le Maître mangeait son plat richement garni, toi regardant ton assiette sans grand appétit, comme toujours. Tu pris le bol sur ta gauche qui était rempli à ras-bord d'eau et commença à le siroter. Je ne sais pas à quoi tu pensais pendant ce repas. Ni quel chemin tu as emprunté pour venir à poser cette question.
« Maître, cela vous dérangerait-il si je vous demande, un jour, de voir l'étendue de ma famille ? J'ai toujours entendu dire qu'elle était grande. J'aimerai voir cela de mes propres yeux. »
Il te regardait pendant que ton souffle se coupait. Tu n'avais pas attendu son accord avant de parler. Il tournait autour du pot, semblant chercher un quelconque argument pour te répondre non. Il avait l'air quelque peu inquiet. Finalement il te promis de te la montrer, un jour où ça serait enrichissant pour toi.
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Les nuits étaient de plus en plus longues, à chaque nouvelle heure de sommeil gâché les bruits singuliers semblaient toujours de plus en plus proches. Ou bruyants. Les deux, peut-être ? En tout cas tu commençais à ressentir des chatouilles le long de ton corps, qui t'empêchaient de dormir.
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Plus le temps passait, plus le Maître semblait s'ouvrir à toi. Tu l'écoutais parler de sa situation, de la tienne... Quand tu demandas ce qu'il allait t'arriver après ton anniversaire, il ne répondit pas. Tu étouffas donc tes interrogations par peur de le contrarier. Les journées étaient de plus en plus animées pendant que tu découvrais quelques notions du monde réel. La religion, l'art, les vêtements, l'apparence des villes, ainsi que des objets que tu n'avais jamais vu auparavant... Un tout nouveau monde s'offrait à toi.
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Tu étais sortie dehors avec le Maître, pour l'assister dans ses achats. Il t'avait dit que c'était la première fois depuis quelques années qu'il le faisait. Tu te rappelais que plusieurs enfants étaient censés venir chez lui régulièrement ; et en déduis que si c'était le cas il aurait dû sortir plusieurs fois pour ce genre de tâches si il le faisait avec chacun d'entre eux. Encore une fois, tu gardais ça au plus profond de ta coquille pour ne pas lui en parler.
Ce jour là, tu te rendis compte à quel point tu étais différente du monde actuel. Tu étais... Beaucoup trop lente. Et le mucus qui restait par terre faisait tomber quiconque n'y faisait pas attention. Tout le monde faisait de grands pas, parlait vite, parlait fort. Là où on t'avais toujours dit de parler bas et avec respect tout en mesurant tes actes, dehors la grande majorité souriait et se laissait aller aux plaisirs de la vie. Toute cette agitation te paraissait insupportable. Pourtant, sans te plaindre un seul instant tu fis outre de ces mouvements incessants brouillant tes pensées. Tu avais même eu l'occasion de remarquer d'autres personnes qui elles, n'avaient pas l'air heureuses. Elles semblaient en colère ou malheureuses.
« Osozaki. Ce sont aussi des esclaves. »« Vraiment ? Ils ont l'air malheureux. »« Ils sont punis ou leur maître tes traite mal. »Tu te tus. Peu importait la manière dont tu retournais cette image dans ta tête cette nuit-là, tu ne comprenais pas. Les bruits donnaient l'air de sortir de derrière le mur. Les chatouilles devenaient insupportables et tu commençais à envisager à demander au Maître la provenance de tout ceci.
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Arriva un jour où le Maître était silencieux. Il t'avait tendu un paquet et t'avais dit d'en porter le contenu la journée durant. Ce que tu avais fais dans te poser de question. Tu te sentais quelque peu inconfortable, à porter cet ensemble blanc nettement plus découvert que les kimonos que tu portais jusque là. Le mucus qui habituellement était absorbé par tes vêtements étaient maintenant presque littéralement en train d'inonder le sol sur lequel tu étais.
Après de longues heures passées ensemble dans le silence et la gêne, il se colla à toi. Sans bruit, dans un souffle. Tu ne disais rien une énième fois. Lui non plus. Tu n'as pas compté le nombre de secondes où il était resté ainsi. C'en était certainement beaucoup trop pour toi, de toute manière. Tu pouvais ressentir des brûlures au lieu de chatouilles. Et ça te dérangeait fortement. Tu mourrais d'envie de l'envoyer balader. Mais tu n'en fis rien.
« Tu es belle. »
Tu contenais la crispation de ton corps au mieux. Venait-il vraiment de dire ça ? Pourquoi ? Il finit par se retirer aussi vite qu'il s'était approché. Il avait l'air gêné. Était-ce parce qu'il était recouvert de mucus ? Lui qui voulait minimiser un maximum que ta substance ne touche quoi que ce soit... Peut-être avait-il simplement perdu connaissance. Chose peu probable, tu étais certaine qu'il était bel et bien conscient. Quelque chose était en mouvement pendant ce moment où vous aviez presque échangés une étreinte. Il resta quelques instants béat avant de sortir de la chambre en trombe. Tu décidas d'aller dans le bain, afin d'arrêter d'étaler ton pseudo-savon partout.
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Il t'avait appelé, de l'autre côté de la porte, pour te dire qu'il allait te guider à ta famille. Tu l'avais suivi. Ce qu'il t'y es arrivé, ma douce alter-ego, je le garde pour moi. Je doute que cela te fasse du bien de t'en souvenir. Saches juste que ce n'était pas beau à voir, et que c'est à partir de là que j'ai commencé à exister, à te parler, à te rassurer.
Tu ne me crois pas, je suppose. Impossible que j'existe, après tout, je suis un garçon que toi seul entend. Tu m'avais appelé Kahera car la première chose dont nous avions parlé était les feuilles mortes qu'ils y avait à tes pieds.
Tu te souviens, je pense, du moment où tu avais essayé d'arrêter de boire de l'eau. Tu t'étais tellement assoiffée que tu en es encore pâle comme la mort. Il t'a sévèrement réprimandé pour cela. C'est pour cette raison que nous ne sommes plus avec lui maintenant. Que tu ne peux plus découvrir la raison de ces ressentis étranges. Je peux comprendre que tu m'en veuilles d'être là, de garder tes souvenirs à tout prix, de parler pour toi de temps en temps. Mais... Il faut que tu comprennes que c'est pour ton bien. Et si tes prochains maîtres veulent vraiment ton bien, il va falloir qu'ils me parlent avant d'essayer quoi que ce soit sur toi. Tu serais incapable d'en parler, de leur faire comprendre tant que je n'interviens pas.
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Ça fait plus d'un an que nous sommes ensemble, tu devrais comprendre à présent. Ce n'est pas comme si je n'existais que pour toi après tout.
Nous partageons une seule coquille. Une coquille de fleurs en éclosion et une coquille de feuilles mortes.
- Marchand d'esclave a écrit:
- Nah, elle f'ra pas l'affaire celle là. Trop lente à la tâche. T'as pas vu ? Sa coquille l'empêche d'avoir des réactions rapides. 'Pis c'est un mollusque. T'as vu ses muscles où, toi ? Elle peut rien porter d'aussi lourd qu'elle. Tout ce qu'elle sait faire c'est baver. Elle n'a été élevée que pour vivre, et l'éleveur de mollusques veut qu'elle soit revendue ? J'sais pas ce qui plaira aux clients chez cette jeunette, vraiment. Elle va faire peur aux clients avec ses yeux, on dirait qu'elle est aveugle tellement ses yeux sont clairs. Non franchement, celle là on va pas la vendre très chère. Faut qu'elle soit vendue, et vite.
Tu sais, il a dit ça pour te vexer. J'ai volé la lettre de ton ancien Maître pour toi. Lis-là, s'il te plait.
- Citation :
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Tu sais que j'ai tendance à garder mes mollusques pour moi. Cependant, celle que je t'ai envoyé est différente. Je sais qu'elle a l'air... Bonne à rien. Après tout je ne lui ai pas fait apprendre les tâches ménagères ou jardinières. Je ne lui ai pas fais d'exercice physique non plus. J'en suis pleinement responsable.
J'ai passé tout mon temps à lui apprendre comment ce monde marche quand tu n'es pas un esclave comme elle. Elle comprend vite. Elle apprend bien. Elle fait une excellente compagnie. Je pense sincèrement qu'elle trouvera un maître qui a besoin d'une présence spirituelle et médicale à ses côtés. Elle pourrait même se tourner vers la religion ou trouver un métier qui correspond à ses talents innés.
L'avez-vous vu utiliser son mucus pour désinfecter des plaies ? Elle a un sens artistique digne d'une personne comme vous et moi. Elle sait parler et se tenir. Elle a une hygiène irréprochable. Vous pourriez gagner énormément d'argent en la vendant en tant qu'esclave de luxe. Je respecterai votre choix, quoi que vous en fassiez. J'espère seulement qu'elle trouvera un maître qui lui convienne mieux que moi.
C'est une des meilleures que j'ai réussi à produire en deux ans. Elle sort réellement du lot et fera une très bonne esclave à qui lui prête un peu d'attention en tant qu'être vivant à part entière.
Je sais que tu feras le bon choix pour elle. Que Taisha, Chi et Youkou veillent sur elle.